14/09/2016

[EP] 18h15 : "We Caught Winter"

Artiste : 18h15
EP : We Caught Winter
Sortie : 2014
Genre : Electro, Trip Hop, Abstract Hip Hop
Label : Autoproduction
♥♥♥(♥)
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De qui on parle ? Non pas d'un groupe mais bien d'une seule et même personne : 18h15 est le projet musical de Cécile Nicolas, jeune française et artiste (ultra) productive de la scène Electro indépendante. Il suffit de jeter un rapide coup d’œil à sa discographie pour constater la masse de travail accomplie en seulement deux ans (entre 2014 et 2016). Le résultat est impressionnant, surtout pour quelqu'un n'ayant débuté la production musicale qu'en 2014. Un apprentissage rapide sans nul doute poussé par une passion dévorante pour la musique. Avant d'arranger elle-même ses sons, Cécile faisait déjà de la musique : de la batterie pour une formation de Post-Rock et de la guitare et du piano dans un petit groupe de Folk. We Caught Winter est donc un premier recueil qui pose les bases d'un projet autodidacte aux multiples influences et qui ne fera que mûrir avec le temps.

L'Electro indépendant made in France. C'est un fait : il y a en France une scène Electro bouillonnante, vibrante et bien vivante. Attention, on parle ici de cette scène indépendante, tapie dans l'ombre et qui oeuvre sans se faire remarquer en comparaison de tous ces artistes aux gros sabots signés chez les majors. Cette scène indépendante est pourtant riche, sensible et surtout talentueuse. Qu'elle veuille rester loin du grand public ou, au contraire, qu'elle souffre d'un manque de visibilité, le résultat est malheureusement le même : on en entend peu parler et c'est bien dommage. Il faut être passionné - ou chanceux - ou alors fouiner sur la toile pour tomber sur ces nombreux artistes qui œuvrent loin des projecteurs et de la presse papier spécialisée (le presse Internet mettant davantage en avant le travail de ces personnes). C'est d'ailleurs pour cela que des compilations comme Beats and Sounds sont créées : elles recensent ces artistes et nous les font découvrir pour le plus grand plaisir de nos oreilles. Cécile ouvrait d'ailleurs le premier volume de cette compilation sortie en mars 2015 avec un morceau qui ne laisse pas indifférent et répond au nom de "Sleepless Nights". Son travail y apparaît soigné, tout en finesse et chargé de sonorités et d'influences en tout genre, tout comme les instruments qu'on peut y entendre. Un morceau évidemment plus abouti que ne l'est ce premier EP We Caught Winter.

Arts et lettres. Que le choix de l'heure "18h15" en tant que nom de projet reste une énigme n'est en soi pas un problème. Tout ce qu'il faut savoir, c'est que ce n'est pas le fruit du hasard et que cela a une forte valeur sentimentale pour Cécile. Ce qui nous intéresse davantage une fois sa discographie survolée, c'est son amour pour l'art d'une façon générale. Certains titres d'EPs comme Waiting For Godot et Didascalies mettent la puce à l'oreille : la littérature influence son travail, il n'y a pas de doute. Et son bagage scolaire ne fait pas penser le contraire : une licence de littérature, de la recherche littéraire en spécialisation théâtre et, par la suite, un peu d'ingénierie culturelle par dessus tout ça. Si on ajoute à cela le choix d'une photographie au sens poétique fort, en noir et blanc, pour illustrer ce premier opus (ainsi que les autres clichés pour illustrer ses autres productions), on obtient un condensé d'influences artistiques qui se retrouvent forcément dans la musique. Toutefois, cet amour pour les lettres et les mots ne paraît pas suffisant pour l'expression de sentiments plus (trop ?) intenses et c'est avec une musique instrumentale que Cécile choisit de s'exprimer. Comme la lecture favorise l'imagination chez le lecteur, cette musique sans texte (ou presque) a pour vocation de procurer le même type de sensations chez l'auditeur. Elle permet ainsi à chacun de l'interpréter plus librement en se raccrochant à des expériences, des images, des souvenirs plus personnels.

Rester jeune. Il suffit d'un seul morceau, d'un seul premier morceau pour plonger dans l'univers de 18h15 : mélancolique, triste, mais pourtant léger, voire naïf avec une once d'espoir scintillant au milieu d'un ensemble à dominance pessimiste ou grise, pour ne pas dire obscure. Comme la confrontation entre deux mondes, celui de la jeunesse, avec ses illusions et incertitudes, et celui des adultes. "Waisted Youth" sonne comme le sanglot d'un enfant découvrant la dureté du monde dans lequel il devra pourtant vivre et grandir. Il faut dire que le sample employé ici est un extrait du film This Is England et que le rapport à la jeunesse y est très fort. L'ambiance est pesante mais la présence du piano offre ce petit rayon de lumière, cette once de légèreté et de naïveté qui donne envie d'écouter la suite. Et c'est avec joie qu'on découvre une référence à la musique islandaise dès le morceau suivant avec "Between Nowhere and Nobody" et sa voix légère et haut perchée. Le fait que Sigur Rós soit le groupe préféré de Cécile devient alors très clair, l'EP se terminant même par un petit hommage à la musique si particulière et propre à cette île lointaine ("Island"). On voyage, on plane et même si ce n'est pas vraiment joyeux et encore moins festif, c'est chargé en émotions et on se laisse embarquer, véritablement captivé tout comme on peut l'être à l'écoute d'un groupe comme As The Stars Fall et son univers musical très proche de celui de 18h15. Une force qui se dégage de la combinaison d'instruments classiques (ou samples/lignes composées au synthé) comme le piano et de sonorités et beats électroniques finement choisis. D'une manière générale, les références à la jeunesse sont nombreuses dans ce premier EP : que ce soit dans la faute d'orthographe volontaire du titre "Waisted Youth", le lancinant "Childish Lament" et ses quelques notes sonnant comme une boîte à musique, sonorités qu'on retrouve d'ailleurs dans "Je Suis l'Autre", un morceau à la puissance émotionnelle très forte quand on sait qu'il fait écho à un court métrage où le réalisateur fait mention de sa relation avec sa sœur jumelle. Tous ces éléments contribuent à créer une ambiance particulière dans ce recueil de cinq titres où divers sentiments comme l'amour, la joie mais aussi la tristesse et des milliers d'images peuvent venir à l'esprit. Comme l'expression de la difficulté de grandir, ce recueil rappelle aussi des films faisant référence à ce monde un poil décalé et faussement naïf de l'enfance comme Jeux d'Enfants ou Le Tambour où les protagonistes évolueraient dans de vaste paysages vierges comme on peut en trouver en Islande et qu'on peut admirer dans The Secret Life Of Walter Mitty par-exemple. Bref, Cécile nous fait voyager aussi bien dans le temps que dans l'espace, entre notre jeunesse désormais révolue et des paysages dont la pureté se fait de plus en plus rare.

Douceur et sensibilité. Avec We Caught Winter, Cécile nous plonge dans son monde, son univers, sa vision de la musique. Avec une volonté palpable de retranscrire des émotions via une musique qui communique à l'auditeur autant de sentiments qu'elle peut en éveiller de nouveaux et différents chez lui, 18h15 s'avère être un projet ambitieux qui affiche pourtant une ligne directrice évidente dès ce premier effort. Les possibilités sont variées et cela malgré un terrain apparaissant relativement balisé. Un EP qui donne tout simplement envie d'aller plus loin et de découvrir la suite des productions et la personnalité de Cécile à travers 18h15.

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